RESSOURCES PÉDAGOGIQUES
>>> LE RYTHME

 

DÉFINITION
MÉTHODES
d'apprentissage du rythme

 

I) Essai de définition du rythme :

VOICI QUELQUES DÉFINITIONS THÉMATIQUES DU RYTHME :

ASPECT DOMINANT

DÉFINITION

AUTEUR

PHILOSOPHIE

Le rythme est l’ordre dans le mouvement.

Le rythme, maître mot des structures vivantes.

PLATON
(4ème siècle av. JC)

P. BELLUGUE
(1967)

ESTHETIQUE GENERALE

Le rythme apparaît comme la programmation apollinienne du dionysiaque.

Le rythme est le domaine de tout art formel qui projette ses idées dans le temps par le moyen de la durée

A. MOLES
(1967)

A. ZALLMAN
(1971)

ESTHETIQUE MUSICALE

Le rythme, c’est la division du temps par les sons.

Le rythme est une structure sonore conçue sous la catégorie du devenir.

BERLIOZ
(1947)

B. de SCHLOEZER
(1951)

TEMPS

Le rythme implique le temps, mais il ne peut en devenir la mesure et la conscience que s’il scande autre chose que lui-même

Cette structure de structures, ce temps dans le temps qu’est le rythme

H. WALLON
(1947)

M. BOUET
(1962)

MOUVEMENT

Le rythme est une émotion qui se décharge en des mouvements ordonnés

Le rythme est la faculté de nous représenter toute succession et toute réunion de fraction de temps avec des nuances de rapidité et d’énergie ; elles sont développées grâce aux expériences réitérées du corps en mouvement.

NEUMANN
(1898)

E. J. DALCROZE
(1920)

PSYCHOLOGIE

Le rythme est périodicité et structure et (...) sa structure peut être intensive ou temporelle. Il peut être déduit ou éprouvé. Eprouvé il est perçu mais il a des effets affectifs

Le rythme est périodicité perçue ; il agit dans la mesure où pareille périodicité déforme en nous la coulée habituelle du temps

P. FRAISSE
(1956)

P. SERVIEN
(1930)

BIOLOGIE

Le rythme caractérise (...) les fonctionnements qui sont au point de jonction de la vie organique et de la vie mentale. Le rythme est également à la base de tout mouvement

Le rythme, étalon biologique interne

J. PIAGET
(1967)

PATTERSON
(1916)

PéRIODICITE

Le rythme est le retour du semblable à des instants semblables

Le rythme est un mode de succession tel qu’une périodicité y est sensible

L. KLAGES
(1917)

M. PARENT
(1957)

STRUCTURE

Le rythme est la qualité d’une quantité où chaque excitation s’organise avec les précédentes

Le rythme est une organisation ou structuration des phénomènes se déroulant dans le temps

H. BERGSON
(1889)

J. LE BOULCH
(1971)

+ MOZART : "Le plus nécessaire, le plus difficile et l'essentiel dans la musique, c'est le tempo."

Selon Paul Valéry, le rythme est pluriel et on le retrouve partout ; on doit pouvoir appeler le rythme « tout phénomène, perçu ou agi, auquel on peut attribuer au moins deux des qualités suivantes : structure, périodicité, mouvement ».

En fait, que ce soit au sujet des rythmes physiologiques (cardiaque, respiratoire, le sommeil…), biologiques (les saisons, la floraison, la pondaison, la gestation…), cosmiques (la rotation de la Lune autour de la Terre, celle de la Terre autour du Soleil…), ou artificiel (joué par un instrumentiste…), mouvement, périodicité et structure sont toujours au cœur du problème. Et nous pourrions y ajouter la perception

Ainsi, mouvement, périodicité, structure, perception sont donc autant de vecteurs

+ Définitions d'élèves :

« Le rythme est à la base de la musique. Il caractérise la musique. Ex : les claves caractérisent la Bossa nova. »

Angélique

3ème 2

« Que ce soit rapide ou lent, c’est lui qui montre si la musique est gaie ou triste. »

Mathias

6ème 3

« Il existe le rythme binaire et le rythme ternaire. »

Emmanuel

3ème 2

« Le rythme n’a pas de définition, ce n’est pas quelque chose de concret. Ou alors il en aurait des tas ! Bref ça ne s’explique pas, il faut le sentir… »

Louise – Marie

3ème 2

« Pour moi, le rythme c’est le cœur d’un morceau de musique. Ça a des liens avec le tempo, la mélodie des instruments,… Sans lui, la musique n’existerait pas. »

Yann

3ème 2

Ils ont finalement trouvé un compromis entre toutes les opinions, et nous avons abouti en conclusion, au résumé suivant :

« Le rythme est à la base, au départ de la musique. Il caractérise la musique (comme les claves par exemple caractérisent la Bossa nova.), il peut donner l’ambiance du morceau, le rythme seul est musique. Il est pour ainsi dire à la fois les fondations (c’est le cœur d’une œuvre) et la trame de la musique (il est lié au tempo, à la mélodie,…).

Concrètement, c’est un ensemble de valeurs de notes (croches, blanches, noires, doubles croches,…) combinées entre elles et avec différents silences (soupir, pause,…), dans un temps donné. Il existe le rythme binaire (deux valeurs de notes identiques dans un temps) et ternaire (division du temps en trois parties égales) selon la mesure choisie (C, 2/2, 3/4, 6/8,…)

Chaque style de musique a son propre rythme. Par exemple, dans la musique brésilienne, ce sont les percussions qui donne le rythme, l’élan, le swing… Le rythme est un repère pour le musicien ou le chanteur (à l’écoute et sur la partition).

Bref, il possède de multiples sens et interprétations, c’est pourquoi on le retrouve dans de nombreuses expressions : rythme endiablé, avoir le rythme dans la peau, rythme de vie,… »

La définition du rythme est finalement assez subjective. C’est pourquoi avant de l’expliquer, il est préférable de le sentir !

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II) Etudes des méthodes existantes :

  1. E. JAQUES-DALCROZE
  2. Z. KODALY
  3. E. WILLEMS
  4. C. ORFF
  5. M. MARTENOT
  6. O. MESSIAEN

 

1. La Rythmique, méthode d’Emile JAQUES-DALCROZE :

E. Jaques-Dalcroze (1865-1950), compositeur et pédagogue suisse, enseigne la théorie musicale au conservatoire de Genève à partir de 1892. En 1911, il fonde à Hellerau, près de Dresde, une école pour la « gymnastique rythmique », basée sur une nouvelle méthode rythmique – l’eurythmie – qui eut un retentissement considérable aussi bien dans le domaine du sport que dans le monde de la musique.

La Rythmique est à la base de la méthode de Jaques-Dalcroze. Education par la musique et pour la musique, elle consiste à mettre en relation les mouvements naturels du corps, les rythmes (phrasés, nuances, durées, etc.) de la musique, et les capacités d’imagination et de réflexion.

Les exercices qu’elle propose sont autant de chemins permettant de découvrir la musique que de se l’approprier.

Education de la sensibilité et du pouvoir de représentation rapide, la rythmique s’adresse simultanément aux facultés auditives et motrices. Par la rythmique, le vocabulaire corporel s’enrichit et se diversifie, favorisant ainsi l’enrichissement et la diversification de la pensée musicale.

Ce développement de l’oreille musicale fondé sur l’expérience de l’organisme entier en relation avec l’espace qui l’entoure trouve son prolongement naturel, d’une part dans l’étude du solfège qui débouche à son tour sur l’étude d’un instrument et de l’improvisation musicale, d’autre part dans l’étude de la technique et de l’expression corporelles, qui débouchent sur la danse artistique et la création chorégraphique.

Cette démarche éducative qui associe le jeu et la règle, la liberté et la rigueur, l’improvisation et la pensée créatrice, s’adresse aux personnes de tout âge.

Cette méthode repose sur deux principes fondamentaux :

a) Tout d’abord J-Dalcroze remarque chez ses élèves que toute sensation musicale, de nature rythmique, passe par le corps, relève du jeu musculaire. En effet, l’élève possède naturellement un élément essentiel du rythme : la mesure (battements du cœur, respiration, marche, course, etc...). Selon lui « les muscles sont créés pour le mouvement, et le rythme c’est du mouvement »[1].

L’initiation au rythme doit donc passer par un travail autour de l’appareil musculaire.

b) Le deuxième principe découle directement du premier ; à savoir que « toute la méthode repose sur ce principe que l’étude de la théorie doit suivre la pratique »[2]. En effet le travail physiologique susdit, par des exercices répétés basés sur des mouvements du corps tout entier, va permettre de développer ce qu’il appelle « la conscience du rythme ».

Remarquons tout de suite que ce qui précède est tout à fait en accord avec la formule consacrée de l’enseignement au collège : « sentir, faire, comprendre, apprendre ». Rien ne vaut le vécu pour comprendre, puis apprendre.

Voici quelques exercices proposés par J-Dalcroze :

- Division et accentuation métrique : la marche permet de distinguer les différentes mesures et de sentir la pulsation.
- Conception des rythmes par le sens musculaire : l’élève remplit lui-même les durées courtes ou longues en utilisant différents mécanismes musculaires afin de prendre conscience du rythme.
- Réalisation des durées musicales : les durées sont mises en évidence par des mouvements corporels adéquats (un pas = une noire, la course les croches, etc...).
- Polyrythmie : un membre exécute un rythme pendant qu’un autre en effectue un différent.
- Notation rythmique : l’élève apprend à transcrire le rythme effectué ou entendu ; il réalise alors un transfert d’une expérience physique ressentie vers un support écrit.

Liens Internet : Méthode de JAQUES-DALCROZE :

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2. La méthode de Zoltan KODALY :

Z. Kodaly (1882-1967), compositeur, ethnomusicologue et pédagogue hongrois, a accompli autour des années 40 une réforme radicale de l’enseignement musical dans son pays.

Pour ce qui est du rythme, Kodaly emprunte à Jaques-Dalcroze les divers éléments de mouvement rythmique : la marche, le battement de mesure, les frappements, les claquements de mains, etc… Les percussions naturelles peuvent être relayées par toutes sortes d’instruments. Les exercices rythmiques sont toujours liés au chant mais, contrairement à J-Dalcroze, jamais accompagnés au piano (tempérament égal).

Les principes rythmiques fondamentaux sont :

- Association syllabe-rythme : à chaque élément rythmique est associé une syllabe ou une onomatopée (ta, ti, tiri, ta-a, etc…).
- Association rythme-chants populaires : le rythme est enseigné à travers les chants et mélodies enfantines hongrois ; il joue là sur l’aspect identitaire et instinctif de l’individu, ce qui va favoriser à la fois la motivation et l’esprit de groupe.
- Ordre d’apprentissage des éléments : q , e , mesure à 2/4, h , mesure à 4/4, puis mesure à 3/4, et enfin la syncope à 2/4 et la q .
- Audition intérieure : lors de l’interruption d’un chant par le maître, l’élève doit continuer à chanter intérieurement puis reprendre de nouveau à haute voix. Il en fait de même avec un exercice rythmique ; et on peut en outre frapper le rythme du chant lors de l’interruption.

Apparemment calquée, pour ce qui est du rythme, sur celle de J-Dalcroze vue précédemment, la méthode Kodaly ne nous apporte rien de plus si ce n’est l’exercice concernant l’audition intérieure (qui est par ailleurs le point de départ des travaux de J-Dalcroze). En effet, l’intérêt de cet exercice est évident en ce qui concerne l’intériorisation d’un rythme ou encore de la pulsation. Il rajoute aussi le côté patriotique afin d’avoir l’approbation immédiate du groupe.

Précisons que cette méthode reste très populaire dans les pays de l’Est (Roumanie, Lituanie,… et Hongrie bien sûr).

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3. La méthode d’Edgar WILLEMS :

E. Willems (1890-1978), pédagogue suisse né en Belgique, a fait ses études musicales au conservatoire de Genève. Il apporte une importante contribution à l’éducation musicale moderne, surtout en ce qui concerne les aspects psychologiques et l’activisme de la méthode.

Selon lui, « dans l’ordre que nous adoptons généralement, en parlant des éléments fondamentaux de la musique, le rythme vient en premier lieu », et il attire l’attention sur « l’importance de l’éducation sensorielle et l’éveil de l’instinct rythmique »[3].

Sa méthode, qui emploie des moyens naturels et vivants, se base essentiellement sur le passage de l’instinct à la conscience, du concret sonore à l’abstraction, tout en enrichissant les éléments humains premiers (physiques, affectifs et mentaux). Trois stades d’apprentissage sont distingués : développement de l’instinct rythmique (tout-petits), prise de conscience du rythme en vue de l’écriture, analyse.

Quelques exercices proposés :

- Mouvements corporels naturels : la marche, la course, le galop, les sauts, etc… ont pour but de développer le sens du tempo.
- Rythmes frappés : développement de l’audiomotricité et de l’instinct rythmique par des exercices d’indépendance (4 modes : mains, genoux, pieds,… c’est à dire sur plusieurs niveaux).
- Choix des chansons : dans le but de développer la sensibilité de l’élève, puis, dans un deuxième temps, la pratique solfégique et instrumentale.

Comme dans les autres méthodes, le rythme est ici considéré en tant qu’élément premier, les tempi naturels et les mouvements corporels sont privilégiés ; le vécu passe avant la compréhension, et cette dernière avant l’appropriation de l’élément rythmique par l’élève.

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4. La méthode de Carl ORFF :

C. Orff (1895-1982), compositeur allemand, fonde à Munich en 1924 la Güntherschule, école de gymnastique, de musique et de danse, rejoignant les travaux de J-Dalcroze.

A l’origine des méthodes actives en France, son Schulwerk est le fruit de son travail sur la pratique instrumentale. Cette méthode est fondée sur l’unité de la musique, de la danse et de la parole. Orff permet d’investir l’élève dans la pratique musicale à partir d’exercices progressifs simples basés sur la notion de groupe.

Cette pratique collective se fonde sur des jeux musicaux (imitation, question-réponse, reconnaissance), et la découverte du langage musical est calqué sur la progression de l’apprentissage de la langue maternelle : parler - lire - écrire.

Pour lui, l’éducation musicale commence par le rythme. Nombreuses de ses compositions sont d’ailleurs caractérisées par une insistance rythmique quasi obsessive, par l’usage prépondérant d’instruments à percussion, souvent d’origine exotique, et par une déclamation retentissante et scandée (Citons par exemple Carmina burana en 1937, ou encore Prometheus en 1968…)

Il faut également préciser que C. Orff a, par ses recherches, permis le développement de la musicothérapie…

Les exercices rythmiques principaux sont :

- Découverte de la métrique : par un travail autour de poèmes, comptines, rondes et chansons enfantines.
- Pratique des percussions corporelles : approfondissement de l’étude du rythme par l’adaptation des percussions corporelles (claquements de doigts, mains, genoux, cuisses, pieds, etc...) aux chants appris. Ces exercices développent la motricité de l’élève, son sens de la pulsation et de la structure rythmique.
- Travail de formes rythmiques : ostinato, rondo, canon, permettent d’accroître chez l’élève la concentration, la mémoire, et de développer la notion de structure.

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5. La méthode de Maurice MARTENOT :

M. Martenot (1898-1980), pianiste et inventeur de l’instrument électronique à clavier appelé ondes Martenot (1928), résume sa philosophie de l’éducation musicale dans une devise : « L’esprit avant la lettre, le cœur avant l’intellect ». Son principe fondamental est de « respecter la vie ».

Il pense qu’en matière musicale, le modèle de l’évolution progressive de l’humanité est le plus logique et le plus naturel. De même, l’élève ne devra appréhender qu’un élément à la fois.

Le rythme étant « l’élément vital » de la musique, l’éducation de cette dernière doit commencer par celui-ci !

La méthode suit les six étapes suivantes :

- Emploi du rythme à l’état pur : en utilisant soit la voix parlée (de préférence) soit des percussions corporelles ou instrumentales, sans association avec un élément mélodique.
- Répétition par imitation de formules brèves : enchaînées sans discontinuité, ces formules incantatoires permettent la formation du sens rythmique.
- Observation du tempo naturel : ce tempo est en rapport avec les « tempi » physiologiques (pulsation du cœur, respiration, marche, course, mastication, etc...). Ainsi, il est naturellement plus rapide chez l’enfant (110 à 120 paces) que chez l’adulte (environ 80 paces). Cette recherche est d’ailleurs très étudiée dans la « musique techno » afin d’amener artificiellement et de manière réflexe, les individus en train de danser dans plusieurs états euphoriques successifs.
- Indépendance entre pulsation-jalon et formule rythmique : il s’agit d’entraîner un groupe musculaire à la répétition régulière d’un même geste qui deviendra la « pulsation-jalon » puis de faire exprimer la formule rythmique par un autre groupe musculaire. L’éveil du sens rythmique dépend de cette indépendance motrice (De plus, la « mémoire musculaire » est dite indélébile).
- Précision rythmique : celle-ci dépend de la précision de la pulsation. Cette précision est conditionnée par ce que Martenot appelle « l’état rythmique », état psychophysiologique proche d’un « super-éveil » intello-moteur (position corporelle et disponibilité à effectuer les exercices).
- Expression de l’état vital : chaque formule rythmique trouve vie dans une sorte de « flux » et de « reflux ». Sa cohésion en fait une cellule vivante, animée d’une poussée vitale culminant avec « l’accent ».

En résumé, la méthode Martenot travaille les difficultés simultanément, mais séparément : rythme, chant, écoute, lecture, improvisation sont abordés dans un même cours au travers d’exercices-jeux, tout en respectant la globalité qui les unit, c’est à dire l’élan vital de la musique. Et c’est la progression rigoureuse et ludique de ces exercices qui va permettre de structurer la pensée musicale.

On remarquera que de toutes les méthodes décrites jusqu’ici, la seule vraiment applicable au collège, de manière cohérente, est bien celle-ci. De plus, la répétition des formules brèves sur « la la la » (proposition de Martenot) au départ, sera ensuite associée à ce que l’on a appelé plus tard le « langage Martenot » (diction en toutes lettres des différentes valeurs rythmiques), ce qui nous le verrons plus loin, m’a paru très intéressant car très fonctionnel si l’on y apporte quelques petites modifications.

Précisons enfin que la volonté de Martenot est d’arriver à « une éducation par l’art » : par l’enseignement de ce dernier, il souhaite favoriser l’épanouissement de la personne ; c’est une méthode basée sur le progrès, l’envie de regarder, de chercher, bref de travailler. Or il semblerait que ce soit à cette philosophie qu’on ait désormais abouti en ce qui concerne la pédagogie en SEGPA !

Liens Internet : Langage MARTENOT : http://www.martenot.com

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6. La recherche d’Olivier MESSIAEN :

En ce qui concerne O. MESSIAEN (1908-1992), compositeur français, c’est là beaucoup plus une réflexion philosophique qu’une méthode pédagogique ; mais cette nouvelle façon d’aborder le rythme, le temps,… par un dépassement de la métrique traditionnelle, a considérablement influencé les musicologues et les musiciens pédagogues du 20ème siècle…

Ses recherches sont basées sur le rythme : son origine, sa liaison à la parole, et son influence sur le temps (cette conception a ouvert un nouveau rapport au temps en musique)… Il réalise un Traité sur le rythme en 1954, et la plupart de ses compositions utilisent des instruments à percussion.

Or si l’on applique ces recherches à un cours d’éducation musicale, on peut trouver une grande variété d’applications pédagogiques.

Par exemple, Messiaen affirme qu’en ce qui concerne la « structuration tonale », c’est à dire ce qui permet de percevoir un rythme grâce à la hauteur des sons, la compréhension et la réalisation spontanées ne sont pas possibles par groupements de 2 ou 4 mais seulement par 3 : E E E E

e e

Cette découverte est d’ailleurs exploitée par H. Lamour, en y combinant les études de P. Fraisse, pour l’apprentissage de la danse en cours d’EPS au collège.

D’autre part, outre sa célèbre recherche sur le chant des oiseaux, Messiaen a principalement basé ses travaux sur l’analyse des différentes origines du rythme et des interprétations variant selon les divers pays. En effet, il nous apprend qu’il y a quatre façons de « penser le rythme » :

· Rythmes grecs et latins qui ont donné naissance aux rythmes occidentaux, et de l’Europe de l’Est également, différenciés par les variantes de chaque langue, la poésie, brefs la sonorité et donc le rythme que peuvent suggérer les mots.
· Rythmes africains (nés du timbre) où tout est lié à la danse, à une dynamique de groupe.
· Rythmes asiatiques : en Inde (Tala) et en Chine (Yin et Yang) où le système de codage a été établi par rapport à la Nature, à l’Homme.
· Rythmes sans notion de temps (temps lisse) : Messiaen crée une nouvelle pensée contemporaine, en réaction au néoclassicisme académique, basée sur une inspiration hors du temps, sans limites, apparemment arythmique ! (Ecouter son « Quatuor pour la fin du temps » ou encore les « vents solaires » de D. Hykes)

C’est cette diversité d’interprétations qui fait la richesse d’applications possible du rythme. Bien sûr, on retrouve parfois des similitudes mais ces variantes sont le plus souvent complémentaires.

Par exemple, étudions l’analyse de Messiaen à propos des rythmes grecs. Elle est basée sur les rapports entre un texte et la musique que les mots sous-entendent ; c’est à dire que le rythme de la déclamation ou du chant est issu de la prononciation même, des mots. Pour cela, on distingue deux sortes de valeurs rythmiques : une longue (--) et une courte (Y). A partir de cela, il est alors possible de faire une multitude de combinaisons :

-- Y Trochée -- -- Y Antibacchius
Y -- Iambe -- Y Y Dactyle
-- -- Spondée -- Y-- Amphimacres
Y Y Pyrrhique Y Y Y -- Péon IV
-- -- -- Molosse Y – et -- Y Combinaison antispaste
Y Y Y Tribraque Etc…  

Ainsi, on trouve par exemple la strophe alcaïque, favorite d’Horace, construite sur une succession de combinaisons. Voici l’exemple d’une Ode :

--
-- Y
-- --
-- Y
-- --
Dum
res et
aetas
et so-
rorum

Par ailleurs, ce procédé se retrouve aussi dans la musique indienne ; la valeur longue (--) est alors remplacée par un « S » (appelé Guru) et la valeur courte (Y) par un « I » (nommé laghu). Or la musique indienne rajoute à cela le point qui prolonge la note de la moitié de sa valeur, ainsi qu’une valeur encore plus courte que le « S ». Par conséquent, cette musique est sans doute la plus complexe rythmiquement. Elle a en outre donné naissance à l’improvisation.

Quant à la rythmique africaine, Messiaen nous apprend qu’elle est née du timbre. En effet, il affirme qu’historiquement, on peut émettre raisonnablement l’hypothèse que le langage, lié à la pratique et à la survie, a nécessairement précédé l’art. Or le dialogue ou le monologue sonore a donc vraisemblablement débuté par la recherche de l’objet capable d’émettre les sons nécessaires à la communication. Mais cette notion de timbre n’a pu se faire séparément du rythme, engendré naturellement par le discours sonore (Cette remarque a souvent été exploitée par de nombreux pédagogues).

Ensuite, Messiaen nous dit que cette rythmique africaine serait à l’origine de la polyrythmie « ternaire/binaire », chaque division étant représentative d’un symbole : le rythme ternaire représente souvent une manifestation liée au sexe (circoncision, excision, mariage,…), ou aux saisons (récoltes, pêche, moissons,…) ; alors que le rythme binaire représente soit un divertissement populaire, soit une fête religieuse (fin de ramadan…), soit à une cérémonie officielle (défilés de guerre, arrivée d’un notable, glorification d’un Roi,…), soit encore à une fin de récolte. Dans tous les cas, ces rythmes sont toujours associés à la danse, certaines formules rythmiques étant connues par tous les habitants du village, qu’ils soient musiciens ou pas car chacune d’elle annonce une danse différente. Par exemple pour le jansa (danse de divertissement), l’appel est le suivant : pa pa pa pa pa pa pa pa pa

Or la musique savante d’aujourd’hui n’est-elle pas un concentré de toutes ses expériences culturelles ?

Pour ne citer que quelques exemples d’application possible au collège, dans le deuxième mouvement de la « 7ème symphonie » de L.V. Beethoven, la danse funèbre est construite sur des rythmes grecs ; le célèbre « Boléro » de M. Ravel est construit sur un ostinato d’origine espagnole ; « Marseille 2600 » de Renaud Barbier qui intègre toute une polyrythmie africaine à un orchestre symphonique et un chœur (avec une grande diversité de valeurs ajoutées également très exploitées par Messiaen) ; etc…

Liens Internet : O.MESSIAEN :

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RYTHMES ASYMÉTRIQUES

Oeuvres conseillées pour aborder les rythmes complexes avec des élèves :

Titre
Compositeur
Commentaire
Poème chinois
Hugues LE BARS
3 + 3 + 4
Arithme
Hugues LE BARS
La pulsation est détournée
Ouh
Hugues LE BARS
3 + 2
     

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Liens scolaires : http://www.eurosesame.org/france/ruben/princero/pages/pistrytm.htm, ...

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