Institut Universitaire de
Formation des Maîtres
Présenté par : Thibaut PLANTEVIN
PCL2 en Education Musicale et Chant Choral
Directeur
de Mémoire : Anne GASTINE
Soutenu
le : 2 Mai 2000
Plan p.
3
Ouverture p.
4
Réflexions
préalables (Essai de définition et méthodes existantes) p. 6
Mon
expérience pédagogique p.
16
Coda p.
26
Annexes
et enregistrements p.
27
Bibliographie
et entretiens p.
29
Ouverture : Réflexions
préalables
Introduction :
pédagogie du rythme, la passion avant tout
I) Essai de définition du
rythme (Exposition)
II) Etudes des méthodes
existantes (Reprise)
1.
E.
JAQUES-DALCROZE
2.
Z.
KODALY
3.
E.
WILLEMS
4.
C.
ORFF
5.
M.
MARTENOT
6.
O.
MESSIAEN
III) Réflexion sur mon
expérience pédagogique (Développement)
Avant-propos : réflexion préalable sur
l’approche psychologique due aux séminaires !
1.
Le
premier cours
2.
Avec
les 6ème : Sentir, pratiquer, inventer
3.
Avec
les 5ème : Création de chanson autour du rythme du texte
4.
Avec
les 4ème : Etude des danses baroques et de la fugue par
l’intermédiaire du rythme
5.
Avec
les 3ème : Le rythme à travers le Jazz ; Danses
traditionnelles de Provence et du Brésil
Coda
Annexes et enregistrements
Bibliographie et entretiens
OUVERTURE :
Réflexions préalables
Instruire
les élèves, leur apporter des connaissances et des savoir-faire, me semblent
être des missions évidentes pour un enseignant ; peut-être les premières
auxquelles on pense lorsque l’on vient de réussir un concours. Or pour cela,
les cours de didactique et les exercices pratiques ou pédagogiques spécifiques
à ma discipline m’ont aidé à mettre ces missions en application.
Par
contre, « contribuer à leur éducation et leur assurer une formation adaptée en
vue de leur insertion sociale et professionnelle » et « faire comprendre aux
élèves le sens et la portée des valeurs qui sont à la base de nos institutions
et de les préparer au plein exercice de la citoyenneté » me semblaient plus
difficilement réalisable.
C’est
pourquoi j’ai essayé de me mettre à la place des élèves (de l’élève que j’ai
été et de celui d’aujourd’hui) afin de donner du sens à mon métier : « Pourquoi
est-ce que je dois venir au collège, prendre ma place à ma table, apprendre une
nouvelle chanson ? Pourquoi le professeur a-t-il encore choisi une chanson
ringarde que personne ne connaît ? Pourquoi veut-il que je m’exprime ? ».
Ce sont des questions auxquelles j’ai finalement été directement confronté. En
effet, un élève de 4ème m’a demandé en début d’année, sans doute
pour me tester, à quoi servait la musique ? J’ai répondu à ce grand supporter
de l’O.M. que si le sport servait à draguer les filles, la musique, elle, était
très utile pour les entretenir… Et depuis, il s’est placé au premier rang et est un élément moteur dans cette
classe !
Bref,
les réponses que chacun apporte à ces questions entraînent une attitude
particulière de chaque élève face à l’activité scolaire. J’ai constaté, au
cours des visites et des stages que j’ai effectués en collège, que chez les
élèves en difficulté scolaire (et même à Thiers), il y a d’abord une difficulté
à donner un sens à leur présence au
sein de l’école.
Parler
de manque de motivation est une autre façon de dire que l’élève ne comprend pas
ce qu’il fait là.
L’enfant
ou l’adolescent, avant d’être un élève, est d’abord un individu en train de se
construire, d’élaborer sa personnalité. Cette construction se fait dans une
interaction entre ce que l’individu comprend du monde et la façon dont il agit
sur le monde. L’être doit développer de pair sa capacité à agir et celle à
comprendre pour pouvoir s’épanouir. Pour donner du sens à ses propres actes, il
faut pouvoir faire un lien cohérent entre son action et sa compréhension du
monde. Avoir des perceptions, les analyser, les nommer, les relier entre elles,
c’est comprendre le monde qui nous entoure. Inventer, communiquer, s’exprimer,
c’est agir sur ce monde.
Or on
voit clairement combien toutes ces activités sont inhérentes à la pratique de
la musique. La musique met en jeu bien autre chose que des connaissances. Elle
touche aussi bien aux domaines des émotions, de la communication, de la
psychologie, qu’à ceux des techniques et de l’esthétique. Car elle appartient
aux disciplines dites avant tout orales.
Et
particulièrement dans le cas du rythme car c’est un domaine qui fait partie
intégrante du monde des adolescents. Il n’est pas pour eux une matière
scolaire, mais une réalité concrète via la danse (ou plutôt devrais-je dire la
« dance »), les médias…, vécue au quotidien de la même façon qu’ils
écoutent des chansons. Grâce à cela, la coupure si problématique de l’école avec
la réalité peut peut-être s’estomper ? Et dans ce cas, on ne vient plus à
l’école pour les profs, les parents ou à cause de la loi mais bel et bien pour
soi-même !
La musique est avant tout une expérience intime.
Pour chacun d’entre nous, cette expérience peut être d’autant plus riche
qu’elle se fonde sur une véritable pratique musicale, personnelle et vivante.
Pour accéder à cette pratique, le rythme est le chemin le
plus immédiat car il permet à chacun de pouvoir s’exprimer avec un minimum de
moyens.
Pour un enseignant basé sur une pratique authentiquement
vécue de la musique, le rythme s’impose donc comme une des bases fondamentales
de l’éducation musicale.
C’est la raison pour laquelle l’objet d’étude de ce
mémoire est limité au rythme, mais à tous les sens que peut évoquer le rythme.
Cependant, les observations et les questions posées par cette étude pourraient
être généralisées à de nombreux domaines de la pédagogie musicale.
Une des premières questions qui me viennent à l’esprit
est celle de la transmission de la notion de pulsation. En effet, sans
l’élément rythmique de base par excellence, aucune communication purement
musicale n’est possible car pour beaucoup de musiciens et de compositeurs, le
rythme est tout (ou presque) en musique. Et le rythme à lui seul est déjà
musique.
Hormis des notions plus intellectuelles comme une
certaine chronologie dans l’histoire de la musique, ou encore les inévitables
termes devant faire partie du dictionnaire de tout apprenti musicien, le rythme
est donc la première préoccupation inhérente à l’apprentissage musical, sachant
d’autre part que celui-ci, en collège, est nécessairement soumis à
l’adage : « sentir, faire, comprendre, apprendre ».
L’objet de ce mémoire est d’étudier le rôle et la place
du rythme dans ma pédagogie d’enseignement de la musique, au collège.
Ainsi, dans la première partie de ce mémoire, j’essayerai
tout d’abord de définir ce qu’est, pour moi, le rythme, à travers les
réflexions de nombreux compositeurs, philosophes ou pédagogues.
Ensuite dans une seconde partie, afin d’élaborer une
pédagogie progressive du rythme, partant donc du vécu de l’élève et non d’un
support écrit, il m’a semblé incontournable et très enrichissant, après avoir
posé la question de la nature du rythme, de trier les différentes méthodes
existantes pour ne retenir que celles qui allaient en ce sens. Nous verrons
donc les rapports du rythme avec la pédagogie, à travers les diverses activités
du cours d’éducation musicale au collège.
Enfin, dans une troisième partie, fort de toutes ces
informations et afin de pouvoir proposer une méthode pratique et viable adaptée
à ma personnalité, j’étudierai ces notions à travers une analyse des
expériences pédagogiques que j’ai menées au cours de cette année scolaire dans
les classes dont j’ai la responsabilité.
Par la suite, précisons qu’à partir des témoignages
quelques fois enregistrés, les résultats obtenus de ces expériences permettront
d’infirmer, d’affiner, de confirmer, ou encore de reformuler correctement la
progression pédagogique envisagée au départ.
Bonne lecture…
I) Essai de définition
sur le rythme
Petit Larousse : « Combinaison des valeurs des
notes, des durées. »
Grand Robert : « Distribution d’une durée en une suite d’intervalles réguliers, rendue sensible par le retour d’un repère et douée d’une fonction et d’un caractère esthétique. »
Avant d’aller plus loin dans
nos investigations, il convient de se demander déjà tout d’abord ce qu’est le
rythme. Or la plupart des définitions, pour ne pas dire toutes, privilégient un
aspect ou un autre et donc ne parviennent pas à donner au mot
« rythme » une signification grâce à laquelle chacun pourrait
reconnaître ses attentes spécifiques.
VOICI
QUELQUES DÉFINITIONS THÉMATIQUES DU RYTHME :
ASPECT DOMINANT |
DÉFINITION |
AUTEUR |
PHILOSOPHIE |
Le rythme est l’ordre dans le
mouvement Le rythme, maître mot des
structures vivantes |
PLATON (4ème siècle
av. JC) P. BELLUGUE (1967) |
ESTHETIQUE GENERALE |
Le rythme apparaît comme la
programmation apollinienne du dionysiaque Le rythme est le domaine de tout
art formel qui projette ses idées dans le temps par le moyen de la durée |
A. MOLES (1967) A. ZALLMAN (1971) |
ESTHETIQUE MUSICALE |
Le rythme, c’est la division du
temps par les sons Le rythme est une structure
sonore conçue sous la catégorie du devenir |
BERLIOZ (1947) B. de SCHLOEZER (1951) |
TEMPS |
Le rythme implique le temps, mais
il ne peut en devenir la mesure et la conscience que s’il scande autre chose
que lui-même Cette structure de structures, ce
temps dans le temps qu’est le rythme |
H. WALLON (1947) M. BOUET (1962) |
MOUVEMENT |
Le rythme est une émotion qui se
décharge en des mouvements ordonnés Le rythme est la faculté de nous
représenter toute succession et toute réunion de fraction de temps avec des nuances
de rapidité et d’énergie ; elles sont développées grâce aux expériences
réitérées du corps en mouvement |
NEUMANN (1898) E. J. DALCROZE (1920) |
PSYCHOLOGIE |
Le rythme est périodicité et
structure et (...) sa structure peut être intensive ou temporelle. Il peut
être déduit ou éprouvé. Eprouvé il est perçu mais il a des effets affectifs Le rythme est périodicité perçue
; il agit dans la mesure où pareille périodicité déforme en nous la coulée
habituelle du temps |
P. FRAISSE (1956) P. SERVIEN (1930) |
BIOLOGIE |
Le rythme caractérise (...) les
fonctionnements qui sont au point de jonction de la vie organique et de la
vie mentale. Le rythme est également à la base de tout mouvement Le rythme, étalon biologique
interne |
J. PIAGET (1967)
(1916) |
PéRIODICITE |
Le rythme est le retour du
semblable à des instants semblables Le rythme est un mode de
succession tel qu’une périodicité y est sensible |
L. KLAGES (1917) M. PARENT (1957) |
STRUCTURE |
Le rythme est la qualité d’une quantité où chaque excitation s’organise avec les précédentes Le rythme est une organisation ou
structuration des phénomènes se déroulant dans le temps |
H. BERGSON (1889) J. LE BOULCH (1971) |
Selon Paul Valéry, le rythme est pluriel et on le
retrouve partout ; on doit pouvoir appeler le rythme « tout
phénomène, perçu ou agi, auquel on peut attribuer au moins deux des qualités
suivantes : structure, périodicité, mouvement ».
En fait, que ce soit au sujet des
rythmes physiologiques (cardiaque, respiratoire, le sommeil…), biologiques (les
saisons, la floraison, la pondaison, la gestation…), cosmiques (la rotation de
la Lune autour de la Terre, celle de la Terre autour du Soleil…), ou artificiel
(joué par un instrumentiste…), mouvement, périodicité et structure sont
toujours au cœur du problème. Et nous pourrions y ajouter la perception
Ainsi,
mouvement, périodicité, structure, perception sont donc autant de vecteurs
En
outre, j’ai personnellement opté pour les deux définitions suivantes :
d’abord celle de H. Lamour, professeur d’éducation physique et rythmicien, dans
son ouvrage Pédagogie du Rythme
(Revue EPS, 1992) : « Le rythme est l’organisation temporelle
de la périodicité perçue ». Ensuite, celle de S.G. Paczynski, dans son
ouvrage intitulé Rythme et geste
(1988) : « Il n’y a pas de réelle définition du rythme. Le
rythme est aussi spirituel (…) Il se compose d’une alternance de
mouvements et de repos ».
Enfin,
au mois de mars, après une demi-année scolaire d’éducation musicale basée
essentiellement sur le rythme, j’ai
demandé à une classe de 6ème et à une classe de 3ème
d’essayer de définir ce que signifiait pour eux le mot rythme. Ils ont
finalement trouvé un compromis entre toutes les opinions :
Petit
récapitulatif de la séance du 10/03/2000 :
« Le rythme est à la base de la musique. Il
caractérise la musique. Ex : les claves caractérisent la Bossa
nova. » |
Angélique |
3ème
2 |
« Que ce soit rapide ou lent, c’est lui qui
montre si la musique est gaie ou triste. » |
Mathias |
6ème
3 |
« Il existe le rythme binaire et le rythme
ternaire. » |
Emmanuel |
3ème
2 |
« Le rythme n’a pas de définition, ce n’est
pas quelque chose de concret. Ou alors il en aurait des tas ! Bref ça ne
s’explique pas, il faut le sentir… » |
Louise
– Marie |
3ème
2 |
« Pour moi, le rythme c’est le cœur d’un
morceau de musique. Ça a des liens avec le tempo, la mélodie des
instruments,… Sans lui, la musique n’existerait pas. » |
Yann |
3ème
2 |
Ils ont finalement trouvé un
compromis entre toutes les opinions, et nous avons abouti en conclusion, au
résumé suivant :
« Le rythme est à la base, au départ de la
musique. Il caractérise la musique (comme les claves par exemple caractérisent
la Bossa nova.), il peut donner l’ambiance du morceau, le rythme seul est
musique. Il est pour ainsi dire à la fois les fondations (c’est le cœur d’une
œuvre) et la trame de la musique (il est lié au tempo, à la mélodie,…).
Concrètement, c’est un ensemble de valeurs de notes
(croches, blanches, noires, doubles croches,…) combinées entre elles et avec
différents silences (soupir, pause,…), dans un temps donné. Il existe le rythme
binaire (deux valeurs de notes identiques dans un temps) et ternaire (division
du temps en trois parties égales) selon la mesure choisie (C, 2/2, 3/4, 6/8,…)
Chaque style de musique a son propre rythme. Par
exemple, dans la musique brésilienne, ce sont les percussions qui donne le
rythme, l’élan, le swing… Le rythme est un repère pour le musicien ou le
chanteur (à l’écoute et sur la partition).
Bref, il possède de multiples sens et
interprétations, c’est pourquoi on le retrouve dans de nombreuses
expressions : rythme endiablé, avoir le rythme dans la peau, rythme de
vie,… »
La
définition du rythme est finalement assez subjective. C’est pourquoi avant de
l’expliquer, il est préférable de le sentir !
II) Etude des méthodes
existantes
1. La
Rythmique, méthode d’Emile JAQUES-DALCROZE :
E. Jaques-Dalcroze
(1865-1950), compositeur et pédagogue suisse, enseigne la théorie musicale au
conservatoire de Genève à partir de 1892. En 1911, il fonde à Hellerau, près de
Dresde, une école pour la « gymnastique rythmique », basée sur une
nouvelle méthode rythmique – l’eurythmie – qui eut un retentissement
considérable aussi bien dans le domaine du sport que dans le monde de la
musique.
La Rythmique est à la base
de la méthode de Jaques-Dalcroze. Education par la musique et pour la musique,
elle consiste à mettre en relation les mouvements naturels du corps, les
rythmes (phrasés, nuances, durées, etc.) de la musique, et les capacités
d’imagination et de réflexion.
Les exercices qu’elle
propose sont autant de chemins permettant de découvrir la musique que de se
l’approprier.
Education de la sensibilité
et du pouvoir de représentation rapide, la rythmique s’adresse simultanément
aux facultés auditives et motrices. Par la rythmique, le vocabulaire corporel
s’enrichit et se diversifie, favorisant ainsi l’enrichissement et la
diversification de la pensée musicale.
Ce développement de
l’oreille musicale fondé sur l’expérience de l’organisme entier en relation
avec l’espace qui l’entoure trouve son prolongement naturel, d’une part dans
l’étude du solfège qui débouche à son tour sur l’étude d’un instrument et de
l’improvisation musicale, d’autre part dans l’étude de la technique et de
l’expression corporelles, qui débouchent sur la danse artistique et la création
chorégraphique.
Cette démarche éducative qui
associe le jeu et la règle, la liberté et la rigueur, l’improvisation et la
pensée créatrice, s’adresse aux personnes de tout âge.
Cette
méthode repose sur deux principes fondamentaux :
a) Tout d’abord J-Dalcroze
remarque chez ses élèves que toute sensation musicale, de nature rythmique,
passe par le corps, relève du jeu musculaire. En effet, l’élève possède
naturellement un élément essentiel du rythme : la mesure (battements du cœur, respiration,
marche, course, etc...). Selon lui « les muscles sont créés pour le
mouvement, et le rythme c’est du mouvement »[1].
L’initiation au rythme doit
donc passer par un travail autour de l’appareil musculaire.
b) Le deuxième principe
découle directement du premier ; à savoir que « toute la méthode
repose sur ce principe que l’étude de la théorie doit suivre la pratique »[2].
En effet le travail physiologique susdit, par des exercices répétés basés sur
des mouvements du corps tout entier, va permettre de développer ce qu’il
appelle « la conscience du rythme ».
Remarquons
tout de suite que ce qui précède est tout à fait en accord avec la formule
consacrée de l’enseignement au collège : « sentir, faire, comprendre,
apprendre ». Rien ne vaut le
vécu pour comprendre, puis apprendre.
Voici quelques exercices
proposés par J-Dalcroze :
- Division et accentuation métrique : la marche permet de
distinguer les différentes mesures et de sentir la pulsation.
- Conception des rythmes par le sens musculaire : l’élève
remplit lui-même les durées courtes ou longues en utilisant différents
mécanismes musculaires afin de prendre conscience du rythme.
- Réalisation des durées musicales : les durées sont mises en
évidence par des mouvements corporels adéquats (un pas = une noire, la course
les croches, etc...).
- Polyrythmie : un membre exécute un rythme pendant qu’un autre
en effectue un différent.
- Notation rythmique : l’élève apprend à transcrire le rythme
effectué ou entendu ; il réalise alors un transfert d’une expérience
physique ressentie vers un support écrit.
2. La méthode de Zoltan
KODALY :
Z.
Kodaly (1882-1967), compositeur, ethnomusicologue et pédagogue hongrois, a
accompli autour des années 40 une réforme radicale de l’enseignement musical
dans son pays.
Pour ce qui est du rythme, Kodaly emprunte à
Jaques-Dalcroze les divers éléments de mouvement rythmique : la marche, le
battement de mesure, les frappements, les claquements de mains, etc… Les
percussions naturelles peuvent être relayées par toutes sortes d’instruments.
Les exercices rythmiques sont toujours liés au chant mais, contrairement à
J-Dalcroze, jamais accompagnés au piano (tempérament égal).
Les principes rythmiques fondamentaux sont :
- Association syllabe-rythme : à
chaque élément rythmique est associé une syllabe ou une onomatopée (ta, ti,
tiri, ta-a, etc…).
- Association rythme-chants populaires : le
rythme est enseigné à travers les chants et mélodies enfantines hongrois ;
il joue là sur l’aspect identitaire et instinctif de l’individu, ce qui va
favoriser à la fois la motivation et l’esprit de groupe.
- Ordre
d’apprentissage des éléments : q , e , mesure à 2/4, h , mesure à 4/4, puis mesure à
3/4, et enfin la syncope à 2/4 et la q .
- Audition intérieure : lors de l’interruption d’un chant par le
maître, l’élève doit continuer à chanter intérieurement puis reprendre de
nouveau à haute voix. Il en fait de même avec un exercice rythmique ; et
on peut en outre frapper le rythme du chant lors de l’interruption.
Apparemment calquée, pour ce qui est du rythme, sur celle de J-Dalcroze vue précédemment, la méthode Kodaly ne nous apporte rien de plus si ce n’est l’exercice concernant l’audition intérieure (qui est par ailleurs le point de départ des travaux de J-Dalcroze). En effet, l’intérêt de cet exercice est évident en ce qui concerne l’intériorisation d’un rythme ou encore de la pulsation. Il rajoute aussi le côté patriotique afin d’avoir l’approbation immédiate du groupe.
Précisons
que cette méthode reste très populaire dans les pays de l’Est (Roumanie,
Lituanie,… et Hongrie bien sûr).
3. La
méthode d’Edgar WILLEMS :
E. Willems (1890-1978), pédagogue suisse né en Belgique, a fait ses études musicales au conservatoire de Genève. Il apporte une importante contribution à l’éducation musicale moderne, surtout en ce qui concerne les aspects psychologiques et l’activisme de la méthode.
Selon lui, « dans l’ordre que nous adoptons généralement, en parlant des éléments fondamentaux de la musique, le rythme vient en premier lieu », et il attire l’attention sur « l’importance de l’éducation sensorielle et l’éveil de l’instinct rythmique »[3].
Sa
méthode, qui emploie des moyens naturels et vivants, se base essentiellement
sur le passage de l’instinct à la conscience, du concret sonore à
l’abstraction, tout en enrichissant les
éléments humains premiers (physiques, affectifs et mentaux). Trois stades d’apprentissage
sont distingués : développement de l’instinct rythmique (tout-petits),
prise de conscience du rythme en vue de l’écriture, analyse.
Quelques exercices proposés :
- Mouvements corporels naturels : la marche, la course,
le galop, les sauts, etc… ont pour but de développer le sens du tempo.
- Rythmes frappés : développement de l’audiomotricité et de
l’instinct rythmique par des exercices d’indépendance (4 modes : mains,
genoux, pieds,… c’est à dire sur plusieurs niveaux).
- Choix des chansons : dans le but de développer la sensibilité
de l’élève, puis, dans un deuxième
temps, la pratique solfégique et instrumentale.
Comme
dans les autres méthodes, le rythme est ici considéré en tant qu’élément
premier, les tempi naturels et les
mouvements corporels sont privilégiés ;
le vécu passe avant la compréhension, et cette dernière avant
l’appropriation de l’élément rythmique par l’élève.
4. La
méthode de Carl ORFF :
C. Orff (1895-1982), compositeur allemand, fonde à
Munich en 1924 la Güntherschule,
école de gymnastique, de musique et de danse, rejoignant les travaux de
J-Dalcroze.
A l’origine des méthodes
actives en France, son Schulwerk est
le fruit de son travail sur la pratique instrumentale. Cette méthode est fondée
sur l’unité de la musique, de la danse et de la parole. Orff permet d’investir
l’élève dans la pratique musicale à partir d’exercices progressifs simples
basés sur la notion de groupe.
Cette pratique collective se
fonde sur des jeux musicaux (imitation, question-réponse, reconnaissance), et
la découverte du langage musical est calqué sur la progression de
l’apprentissage de la langue maternelle : parler - lire - écrire.
Pour lui, l’éducation
musicale commence par le rythme. Nombreuses de ses compositions sont d’ailleurs
caractérisées par une insistance rythmique quasi obsessive, par l’usage
prépondérant d’instruments à percussion, souvent d’origine exotique, et par une
déclamation retentissante et scandée (Citons par exemple Carmina burana en 1937, ou encore Prometheus en 1968…)
Il faut également préciser
que C. Orff a, par ses recherches, permis le développement de la
musicothérapie…
Les exercices rythmiques
principaux sont :
- Découverte de la métrique : par un travail autour de poèmes,
comptines, rondes et chansons enfantines.
- Pratique des percussions corporelles : approfondissement de l’étude du rythme par l’adaptation
des percussions corporelles (claquements de doigts, mains, genoux, cuisses,
pieds, etc...) aux chants appris. Ces exercices développent la motricité de l’élève,
son sens de la pulsation et de la
structure rythmique.
- Travail de formes
rythmiques : ostinato, rondo, canon, permettent d’accroître chez
l’élève la concentration, la mémoire, et de développer la notion de structure.
5. La méthode de Maurice
MARTENOT :
M.
Martenot (1898-1980), pianiste et inventeur de l’instrument électronique à
clavier appelé ondes Martenot (1928),
résume sa philosophie de l’éducation musicale dans une
devise : « L’esprit avant la lettre, le cœur avant l’intellect
». Son principe fondamental est de « respecter la vie ».
Il
pense qu’en matière musicale, le modèle de l’évolution progressive de
l’humanité est le plus logique et le plus naturel. De même, l’élève ne devra
appréhender qu’un élément à la fois.
Le rythme étant « l’élément
vital » de la musique, l’éducation de cette dernière doit commencer par
celui-ci !
La méthode suit les six étapes suivantes :
- Emploi du
rythme à l’état pur : en utilisant soit la voix parlée (de préférence)
soit des percussions corporelles ou instrumentales, sans association avec un
élément mélodique.
- Répétition
par imitation de formules brèves : enchaînées sans discontinuité,
ces formules incantatoires permettent la formation du sens rythmique.
- Observation
du tempo naturel : ce tempo est en rapport avec les
« tempi » physiologiques (pulsation du cœur, respiration, marche,
course, mastication, etc...). Ainsi, il est naturellement plus rapide chez
l’enfant (110 à 120 paces) que chez l’adulte (environ 80 paces). Cette
recherche est d’ailleurs très étudiée dans la « musique techno » afin
d’amener artificiellement et de manière réflexe, les individus en train de
danser dans plusieurs états euphoriques successifs.
- Indépendance
entre pulsation-jalon et formule rythmique : il
s’agit d’entraîner un groupe musculaire à la répétition régulière d’un même
geste qui deviendra la « pulsation-jalon » puis de faire exprimer la
formule rythmique par un autre groupe musculaire. L’éveil du sens rythmique
dépend de cette indépendance motrice (De plus, la « mémoire
musculaire » est dite indélébile).
- Précision
rythmique : celle-ci dépend de la précision de la pulsation. Cette précision est conditionnée par
ce que Martenot appelle « l’état rythmique », état
psychophysiologique proche d’un « super-éveil » intello-moteur (position
corporelle et disponibilité à effectuer les exercices).
- Expression de l’état vital : chaque formule
rythmique trouve vie dans une sorte de « flux » et de « reflux ». Sa
cohésion en fait une cellule vivante, animée d’une poussée vitale culminant
avec « l’accent ».
En
résumé, la méthode Martenot travaille les difficultés simultanément, mais
séparément : rythme, chant, écoute, lecture, improvisation sont abordés
dans un même cours au travers d’exercices-jeux, tout en respectant la globalité
qui les unit, c’est à dire l’élan vital de la musique. Et c’est la progression
rigoureuse et ludique de ces exercices qui va permettre de structurer la pensée
musicale.
On
remarquera que de toutes les méthodes décrites jusqu’ici, la seule vraiment
applicable au collège, de manière cohérente, est bien celle-ci. De plus, la
répétition des formules brèves sur « la la la » (proposition de Martenot)
au départ, sera ensuite associée à ce que l’on a appelé plus tard le
« langage Martenot » (diction en toutes lettres des différentes
valeurs rythmiques), ce qui nous le verrons plus loin, m’a paru très
intéressant car très fonctionnel si l’on y apporte quelques petites
modifications.
Précisons enfin que la volonté de Martenot est d’arriver à « une éducation par l’art » : par l’enseignement de ce dernier, il souhaite favoriser l’épanouissement de la personne ; c’est une méthode basée sur le progrès, l’envie de regarder, de chercher, bref de travailler. Or il semblerait que ce soit à cette philosophie qu’on ait désormais abouti en ce qui concerne la pédagogie en SEGPA !
6. La recherche d’Olivier
MESSIAEN :
ENREGISTREMENTS
Générale
sur l’enseignement scolaire :
FULIN (Angélique), L’ Enfant, la Musique et l’ Ecole
Concernant
le Rythme :
BLANC (Serge), Percussions africaines, Ed. Maurice Sonjon, 1993
FRAISSE (Paul), Psychologie du Rythme, P.U.F., 1974
GHYKA (C. Matila), Essai sur le Rythme, Gallimard, 1938
JAQUES-DALCROZE (Emile), Le rythme, la musique et l’éducation, Fischbacher, 1920
LAMOUR (Henri), Pédagogie du rythme, 1985 (puis 1992)
MESSIAEN (Olivier), Traité de rythme, de couleur et d’ornithologie et Technique de mon langage musical, Leduc, 1954
OLERON (Geneviève), Les
mouvements rythmés induits par la musique, L’année psychologique, LVII
PACZYNSKI (Stanislas Adam Georges), Rythme et Geste, Ed. Aug. Zurfluh, 1988
Mémoires
professionnels précédents sur le rythme :
BOEGEAT (Jérôme) et LE BIHAN (Christine), Le Rythme et son Apprentissage, I.U.F.M. d’Aix-Marseille 1992
FERRANDIS (Jean-Luc), Une Pédagogie du Rythme dans le Cours d’Education Musicale, 1999
LEMAN (Patrice), Le rythme, Pulsations de Vie : Quelques orientations pédagogiques au collège, 1996
SALVADOR (Sandrine), Le Rythme : de l’Apprentissage à la Création, 1998
Complémentaire,
à consulter par la suite :
Premier congrès du rythme, Genève, Ed. A. Pfimmer, 1926
MANEVEAU (Guy), Musique et éducation, Edisud, Aix en Provence, 1977
SCHAEFFER (Pierre), Traité des objets musicaux, Le seuil, 1966 (puis 1977)
ENTRETIENS
Avec :
·
Alain
GENRE, professeur de percussions au Conservatoire National de Musique et de
Danse « Darius MILHAUD » d’Aix en Provence
·
Yannick
NURI, professeur de batterie à La Fare les Oliviers et intervenant pédagogique
avec la DRAC pour les enseignants de la région PACA
·
Gérard
MAJAX, magicien psychopédagogue
·
Patrick
GEEL et Joëlle BONNIEU, professeurs d’éducation musicale au lycée THIERS à
Marseille
·
Mme
FOLI, professeur d’éducation musicale au lycée CLEMENCEAU à Montpellier
·
Monique
GARNERY, professeur d’éducation musicale au collège MIGNET à Aix en Provence
·
Anne
GASTINE, compositeur et pianiste, intervenante pour les cours d’accompagnement
à l’IUFM, directrice de mémoire
·
Massimiliano
FRANCESE, percussionniste à l’opéra de
Turin
·
Franck
VILLARD, chef d’orchestre
RECHERCHES SUR INTERNET
Voici
une liste de quelques sites assez intéressants, certains étant
interactifs :
Méthode de
JAQUES-DALCROZE : http://www.musicanet.ory/acj/France/txtimgF/dossiers/dalcrozB.htm
http://www.ulaval.ca/sg/PR/C2/2.112.20.html
Méthode WILLEMS http://www.aiem-willems.org
Langage
MARTENOT : http://www.martenot.com
O.MESSIAEN : http://www.France.diplomatie.fr/culture/France/musique/composit/messiaen.html
http://www.lamediatheque.be/ArsMusica/html
« Pas
de rythme = pas de musique !!! » : http://www.guitar-online.com/Guitare1/h26.htm
Projet
: logiciel d’analyse de rythmes : http://www.inria.fr/Rapports/sosso/logic_laryc.html
Résonance
rythmique : http://www.cafe.edu/cle/cases/c1759.html
Rythme dans son essence et ses applications : http://www.aaacom.com/goyone/bibliographie.html
RESUME : Qu’est-ce que le rythme ? Le rythme est l’une des bases fondamentales d’une
éducation musicale basée sur une pratique vivante de la musique La présente étude envisage comment le rythme peut
être un atout efficace, nécessaire et primordial, dans une pédagogie destinée
à l’apprentissage de la musique, à un développement de l’individu et à un
plaisir partagé La réflexion théorique s’appuie sur l’analyse
d’une année d’expériences pédagogiques autour du rythme |
MOTS-CLEFS : Enseignement secondaire, éducation musicale, pédagogie, rythme |
[1] Le rythme, la musique et l’éducation, Fischbacher, 1920, (p.39).
[2] Ibid. (p.59).
[3] Les bases Psychologiques de l’Education Musicale, P.U.F, 1956.
[Mon boulot, ma passion, la musique !]
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